Dans la machine l'homme supprime même cette activité formelle[1] qui est sienne et fait complètement travailler cette machine pour lui. Mais cette tricherie, dont l'homme use face à la nature et par laquelle il s'arrête en deçà de la singularité de la nature, se venge contre lui. Ce que l'homme gagne sur la nature en se la soumettant toujours davantage, contribue à le rendre d'autant plus faible. En faisant exploiter la nature par toutes sortes de machines, l'homme ne supprime pas la nécessité de son travail, mais il le repousse seulement et l'éloigne de la nature, et ainsi l'homme ne se tourne pas d'une manière vivante vers la nature en tant qu'elle est une nature vivante. Au contraire le travail perd cette vitalité négative[2] et le travail qui reste encore à l'homme devient lui-même plus mécanique. L'homme ne diminue le travail que pour le tout, mais non pas pour l'ouvrier singulier, pour lequel, au contraire, il l'accroît plutôt, car plus le travail devient mécanique, moins il a de valeur et plus l'homme doit travailler de cette façon.

Hegel (1770-1831), La première philosophie de l'esprit, 1804

 

[1] Travail par lequel l’homme transforme la matière et lui donne une forme déterminée. La pensée guide l’action

[2] Opposition à la nature puisque le travail humain impose une forme particulière